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“Association de sauvegarde du patrimoine architectural du XXe siècle au Maroc”
Casamémoire : Histoire de Casablanca
Casablanca de 1889 à nos jours - p 15

L’abondance de gisements lithiques, la découverte de « l'homme de Sidi Abderrahmane » attestent d’une implantation humaine très ancienne sur le site de l’actuelle Casablanca. Cependant les origines de la ville et de son nom primitif, Anfa, restent de nos jours très imprécises.

D’après Léon l’Africain, né en 1490, Anfa aurait été fondée par les romains. Pour Marmol, son contemporain, son origine serait phénicienne. Rien cependant ne vient étayer ces deux hypothèses. Pour Ezzayani, historien, homme d’Etat (1734-1833), la fondation de la ville serait berbère : « les Zénata s’établirent à Tamesna et Tadla, les Senhadja en Doukkala. Les émirs des Zénata bâtirent la ville d’Anfa dans le Tamesna et la ville de Day dans le Tadla ». L’auteur ne précisant pas l’époque de cette fondation ni l’origine de ses sources d’information.

Le nom d’Anfa, qui apparaît sous des orthographes très diverses dans les portulans et chez les cartographes du 14ème et 15ème siècle : Niffe, Anafé, Anife, Anafa, Nafé, est lui également très controversé. Certains y voient le mot arabe Anf (nez, bec, promontoire), d’autres le mot berbère Anfa (cime, colline, sommet).

Toujours selon Ezzayani, le conquérant Almoravide, Youssef Ibn Tachfin, se heurta en Tamesna (région qui s’étendait alors de l’Oum-Er Rabia au Bou-Rgreg) au mouvement hérétique berbère des Berghouata. Il assiégea et conquit Anfa en 1068.

Au 12ème siècle, Anfa est décrit par le géographe Al Idrissi comme un port au commerce actif.

Du 13ème au 15ème siècle, Anfa est un chef lieu de province important que se disputeront les Almohades et Mérinides, puis Mérinides et Ouattasides. A la décadence de cette dernière dynastie, Anfa se rendra indépendante et formera une petite république de corsaires.

Au début du 16ème siècle, Léon l’Africain écrit dans sa « description de l’Afrique » : «  A l’intérieur d’Anfa, nombreux étaient les temples, les belles boutiques, les hauts palais ainsi qu’on peut le voir et s’en rendre compte à présent d’après les restes que l’on en trouve ». Ces restes sont ceux laissés par les Portugais, après le siège et la destruction de la ville en 1468, en représailles du danger que faisaient courir à leurs navires marchands, les corsaires d’Anfa.

La ville subit alors une longue éclipse de trois siècles et dût attendre l’avènement du Sultan Alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1790) pour être relevée de ses ruines. Sidi Mohamed Ben Abdellah y fit construire une mosquée, une médersa, un hammam et la repeupla de berbères chleuhs des Haha (région sud d’Essaouira) et de Bouakher de Meknès. Il accorda en outre à deux maisons espagnoles le monopole du commerce dans la région. En 1794, la ville sous le nom de Dar El-Beïda, « la maison blanche », devient la résidence du gouverneur de la province des Chaouia.

En 1830, le Sultan Moulay Abderrahman (1822-1859) rouvre au commerce européen le port de Dar El-Beïda, fermé par Moulay Slimane suite à la rébellion des autorités de la province.

Au milieu du 19ème siècle, une crise d’approvisionnement en laine et en blé en Europe va donner un nouvel essor à la ville et à son riche hinterland où français, anglais, allemands viennent se ravitailler. Cet essor devra également beaucoup à l’avènement de la navigation à vapeur qui permettra des liaisons plus rapides et plus fréquentes entre Casablanca et les principaux ports européens. M. Hortus écrit en 1856 : « Nous avons 32 navires en rade dont 6 à 8 français, il y a en ce moment un mouvement comme on n’en a jamais vu à Casablanca ».

En 1871, un vice-consul souligne que le commerce « tend de plus en plus à se concentrer dans cette dernière ville (Casablanca au détriment de Tanger) où nos négociants les plus sérieux ont établi le siège de leurs affaires ».

A la fonction de port d’exportation s’ajoutent maintenant celles d’importation et de distribution de produits manufacturés. L’ensemble de ces activités entraîne une augmentation significative de la population : ruraux des environs, agents du Makhzen, commerçants de Fès, Tanger ou Rabat auxquels s’ajoutent le personnel des consulats, vice-consulats ou agences.

« Depuis une dizaine d’années Casablanca s’est complètement transformée… les huttes qui couvraient son enceinte disparaissent tous les jours pour faire place à des maisons de pierre qui servent d’habitations et de dépôts » note un observateur de l’époque.

De quelques centaines d’habitants en 1850, la ville en compte près de huit mille en 1866, dont 6000 musulmans, 1800 israélites et plus d’une centaine d’européens.
Sous le règne de Moulay Hassan 1er (1873-1894), Casablanca compte 20000 habitants, mais l’absence de port entrave un réel développement du commerce.
En 1906, la conférence d’Algésiras attribue à la France les travaux d’aménagement du port de Casablanca.

En 1907, durant ces travaux, de graves incidents, après ceux des confins algéro-marocains, donneront à la France le prétexte d’une intervention militaire à Casablanca et dans l’oriental. Cette situation débouchera, en 1912, sur la signature du protectorat.

A l'aube du 20e siècle, Casablanca se confondait avec ce qu'on appelle aujourd'hui l'ancienne médina. C'était une ville d'une cinquantaine d'hectares en bordure d'une rade rocheuse peu hospitalière. Elle était entourée d'une ceinture de remparts qui lui donnait une forme triangulaire.